Une pendule de la Forêt-Noire au Musée de Molsheim

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Les réserves du Musée de Molsheim sont riches d’objets très divers, dont certains usés par le temps mais toujours très remarquables. Tel est le cas d’une pendule de la Forêt-Noire, petite pendule en bois aux rouages de laiton dont le mécanisme appartient à un type largement répandu au XIXe siècle. On sait que ces pendules, dont beaucoup étaient originaires de la région de Triberg (on en fabriquait 600.000 par an après 1840), se sont retrouvées très souvent dans les fermes alsaciennes ainsi qu’en témoignent les inventaires. En effet, outre leur cadran joliment décoré, elles étaient peu onéreuses.

L’horloge de Molsheim est une Schottenuhr, c’est-à-dire une horloge de taille moyenne produite au lieu-dit Schotten, près de Neustadt, après 1810. Il faut la distinguer des horloges « normales », de hauteur double, et des petites horloges, Jockeleuhr, de 5 cm de haut seulement. Son mouvement mesure 10,5 cm de haut et elle se remonte tous les 2 jours. C’est un modèle très fréquent à l’époque.

Toutefois, elle appartient à la catégorie des « horloges tableaux ». Elle présente une scène peinte sous verre avec un encadrement en bois mouluré et doré. La scène est lumineuse et animée : Napoléon sur un cheval blanc caracolant parcourt le champ de bataille suivi de son état-major. Le sujet figure très rarement sur les horloges de la Forêt-Noire, ce qui le rend particulièrement précieux. Il renvoie à la légende napoléonienne qui s’est développée en Europe entre 1820 et 1870. À cette époque, artistes et écrivains ont exalté le souvenir d’un être surhumain, admiré pour son génie, surtout militaire. Ainsi l’empereur est devenu « le père du peuple et du soldat » (Balzac, Le médecin de campagne). En 1823 paraissait Le mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases, en 1828 Pierre-Jean de Béranger chantait Les souvenirs du peuple (voir le titre sur You Tube) et les objets de la vie quotidienne se sont mis à évoquer la mémoire du grand homme : boîtes, tabatières, foulards, bustes…

Notre pendule témoigne d’un art naïf populaire. Cependant si l’empereur répond à l’imagerie alors répandue, l’uniforme des cavaliers qui le suivent, ainsi que la belle moustache à la Napoléon III de l’un d’entre eux, nous font penser à une date de fabrication qui se situerait entre 1850 et 1870. Par ailleurs, si l’on s’étonne qu’un atelier allemand traite un tel sujet, on se rappellera que les peintres sur cadran de la Forêt-Noire s’adaptaient, dans un but commercial, aux goûts de leurs clients dans le monde entier.

 

Claude KILIDJIAN