Les boules médicinales des chartreux de Molsheim

Collections, Zoom sur...

Si, malheureusement, la fameuse « liqueur verte » n’a jamais été produite à la Chartreuse de Molsheim, nos moines étaient également devenus des bienfaiteurs de la population par la fabrication de leurs « boules d’acier ».
Un produit mystérieux

La composition exacte de ces boules reste inconnue. Leur formule fut élaborée par les chartreux de Molsheim dans la deuxième moitié du XVIIe siècle. Les boules de Molsheim ne semblent être qu’une variante des boules minérales dites « de Mars » ou « de Nancy », fabriquées jadis à la chartreuse de Bosserville (Meurthe-et-Moselle). Nous savons néanmoins qu’elles étaient constituées d’un mélange de tartrate de fer et de potasse, ainsi que de diverses substances résineuses, comme le mastix, l’encens et la myrrhe. Après avoir pilé les différents ingrédients au mortier, on pressait la pâte ainsi obtenue au moyen d’un moule métallique en deux parties, puis on garnissait d’un ruban une des extrémités de chaque boule qui pesait environ 30 g. Après dessiccation, elles étaient badigeonnées à l’aide d’une solution de gomme à laquelle étaient ajoutées quelques gouttes de teinture de noix de galle, ce qui les rendait noirâtres et brillantes.
Une médication qui rencontre le succès

D’après les prospectus d’époque, le remède populaire était utilisé contre la chlorose, le rachitisme, la leucorrhée et, en général, dans l’anémie et l’asthénie. Les boules devaient être trempées dans l’eau de boisson jusqu’à ce que celle-ci ait acquis une couleur ambrée puis, après usage, elles étaient mises à sécher à l’air libre. Pour les blessures extérieures, on les utilisait en compresses dans les contusions et les foulures. Le succès des boules médicinales des chartreux fut certain comme en atteste également la correspondance de l’abbé Philippe André Grandidier (1752-1787) qui écrit, en juillet 1786, à son homologue Dom Grappin : « Je vais diner vendredi à la chartreuse de Molsheim et j’aurai soin de me nantir des deux boules d’acier que vous désirez et que je prendrai avec moi pour vous les remettre ». La population des alentours s’approvisionnait plutôt chez certains apothicaires qui étaient dépositaires des fameuses boules. Ainsi, à Molsheim même, la pharmacie de la Vierge conservait autrefois deux présentoirs en bois peint du XVIIIe siècle ayant servi à exposer ces boules – actuellement exposés au Musée de la Chartreuse.
Le destin d’une recette

Après la Révolution et la fermeture du monastère de Molsheim, le père Jean Georges Sieffert – réfugié à Soultz-les-Bains où il obtint le poste de vicaire – continua à tirer quelque profit de la fabrication des fameuses boules jusqu’à sa mort, en 1826. Propriété de la maison de Molsheim, le secret de fabrication des « boules d’acier » passa ensuite à la Grande Chartreuse, puis à la chartreuse de Farneta, en Toscane, où les chartreux expulsés de France trouvèrent refuge en 1903.

Grégory OSWALD