Conférence par Jean-Michel BOEHLER, historien, professeur émérite de l’université de Strasbourg spécialiste de l’histoire des campagnes.
Le balayage systématique par les historiens des riches fonds d’archives alsaciens nous confirme que l’école communale, en tant qu’institution, remonte aux XIVe, voire au XIIIe siècle, précédant l’apparition de la maison d’école elle-même. Le croisement de sources variées et disparates autorise, par la multiplication d’exemples concrets, l’évocation de l’école dans la campagne alsacienne avant ses transformations lors de la Révolution.
Encore faut-il s’interroger sur la signification, sous l’Ancien Régime, de la scolarisation qui n’est ni obligatoire, ni gratuite, ni totalement laïque avant l’institutionnalisation de l’école et les lois scolaires des années 1870 pour ce qui concerne l’Alsace qui affiche, dans ce domaine comme dans d’autres, sa spécificité. En fait, elle s’inscrit dans une volonté politique de l’Église, puis de L’État : du XVIe siècle à la Révolution, elle apparaît en effet comme un instrument de conquête ou de reconquête (Réforme et contre-Réforme, lois révolutionnaires) dans une province-frontière, de surcroît partagée entre catholiques et protestants.
Ce n’est que peu à peu que le souci d’instruire (lire, écrire, compter) se substitue à la préoccupation d’éduquer (former de bons chrétiens ou de bons citoyens). Reste à nous nous poser la question de l’utilité de l’école aux yeux des villageois qui, contrairement aux élites urbaines, ne sont guère sensibles au besoin d’alphabétisation : en effet, on les sent davantage attachés au savoir-faire qu’au savoir et peu enclins à se priver, au profit d’une scolarisation souvent jugée inutile, de la main d’œuvre enfantine si précieuse pour les travaux des champs, ce qui rend incontournable une fréquentation saisonnière de l’école. D’autre part, les maîtres, insuffisamment formés et mal rétribués, sont-ils à la hauteur de leur tâche ? En réalité, l’école communale ne semble répondre ni à une demande, ni à une offre satisfaisantes avant l’époque contemporaine.
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