Le château d’Oberkirch, un manoir de la fin du XVIIIe siècle

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Depuis plus d’un siècle, la tradition populaire attribue le nom de Schloessel d’Oberkirch à la belle demeure située non loin de l’église des Jésuites, à l’angle de la rue Notre-Dame et de la rue de la Monnaie, et qui fut bâtie vers 1770, à l’emplacement de l’ancien château épiscopal. La façade principale de cet édifice à deux étages possède trois ailes saillantes avec des frontons triangulaires dans le style de l’époque, et donne sur un jardin bordé par le canal de la Bruche.

Résidence d’une famille de noblesse militaire originaire de la région d’Obernai, dont une branche s’était établie à Molsheim à la veille de la Révolution, ce manoir doit son nom à deux cousins de la célèbre baronne d’Oberkirch : Chrétien et François Frédéric d’Oberkirch. Le premier  ne demeura pas longtemps dans la ville ; ancien colonel et Stettmeister de Strasbourg, il émigra en 1793 à Ratisbonne en Bavière, où il mourut en 1804. Son frère, François Frédéric, ancien capitaine au régiment « Royal-Allemand », puis député de la noblesse du district de Landau en 1787, décéda à Molsheim le 18 mai 1795, à l’âge de 58 ans.

Sous le Premier Empire, le général Jean-François Barbier (1754-1828) hérita du château par sa femme, Marie Françoise Justet. Maréchal de camp en retraite et commandeur de la Légion d’honneur, il fut également maire de Molsheim du 15 décembre 1812 au 21 novembre 1813, et occupa ses loisirs… en maniant le pinceau ! Trouvant la terre d’Alsace fort plaisante, il décora une grande salle de sa demeure en y représentant Molsheim et la campagne environnante, depuis le Mont Sainte-Odile jusqu’à Dachstein, dans un vaste panorama aujourd’hui disparu.

Le 10 octobre 1822, le général Barbier céda la propriété au baron Charles Zorn de Plobsheim (1773-1836), ancien chef d’escadron au service de l’empereur d’Autriche, pour la coquette somme de 18.000 Frs – de l’époque – comprenant « une maison de maître connue sous la dénomination de Château d’Oberkirch avec cave, cour, écuries, remise, buanderie, bûcher, jardin verger et potager, et une prairie communément appelée Schlossmatt, cette dernière de la contenance d’environ soixante ares, (…) avec toutes ses aisances et dépendances, droits et servitudes ».

La demeure revint ensuite au sieur Meyer, oncle du futur maire de Molsheim, Paul Jehl (1876-1933) qui occupa les lieux à la veille de la Première Guerre mondiale. Son frère Pierre Jehl (1882-1955) lui succéda et y ouvrit, en 1919, une étude de notaire qu’il tint jusqu’à sa mort. Réquisitionné sous l’Occupation, le château abrita alors le siège du N.S.V. (Nationalsozialistiche Volkswohlfahrt), le « service d’action sociale » de l’arrondissement, qui s’occupait d’activités telles que l’administration des jardins d’enfants (Kindergarten) ou l’aide aux personnes âgées.

À la Libération, la famille Jehl retrouva ses biens qui furent acquis en 1960 par M. et Mme Jean-Georges North. À son décès, Madame Jehl légua à la Ville de Molsheim un magnifique poêle en faïence (aujourd’hui au Musée de la Chartreuse) ainsi qu’une statue de Flora exposée, depuis, en face de la Sous-Préfecture. Parallèlement, le notariat fut repris par Maître Maurice Gamb (de 1955 à 1977), puis par Maître Arsène Hitier (à partir de 1978) jusqu’à son transfert rue Ernest Friederich, en 1991.

De nos jours, le château et ses dépendances abritent plusieurs logements et cabinets médicaux ou bureaux. Le Dr North prit sa retraite en 1979. Indépendamment de son intérêt architectural indéniable, cette belle demeure apparaît donc comme un témoin vivant des notables de la cité depuis la fin du XVIIIe siècle, ayant d’abord servi de résidence à plusieurs militaires de haut rang, avant de devenir le lieu d’exercice de diverses professions libérales.

Grégory OSWALD