La « Metzig », un chef-d’œuvre de la Renaissance alsacienne

Monuments, Zoom sur...

Erigée à la fin du Moyen Âge pour la corporation des bouchers, la Metzig, parfois dénommée « Grandes Boucheries », représente l’édifice profane le plus remarquable de Molsheim. A mi-chemin entre le gothique et la Renaissance, la construction date de 1583, tandis que la tourelle abritant l’horloge ne remonte qu’à 1607.

Attestés dans la cité au début du XIVe siècle, les bouchers apparaissent alors comme des habitants aisés et influents, établis autour de la place centrale et dans l’actuelle rue de la Boucherie (ancienne Metzgasse). De récentes recherches nous dévoilent, par ailleurs, l’existence d’une première Metzig à Molsheim, dès 1416, mais rien ne permet d’affirmer que ce local corporatif était déjà situé sur la place de l’Hôtel-de-Ville.

Construit au lendemain de la guerre des Paysans, le bâtiment actuel exprime pleinement la richesse des corporations alsaciennes de l’époque. A l’image d’autres anciennes boucheries, telles que la halle au blé d’Obernai ou l’hôtel de ville de Mulhouse, il est avant tout le symbole de la puissance politique et économique de la cité. Tournée vers la place, la façade principale s’agrémente d’une galerie et d’un double escalier surmonté d’une tourelle à bulbe, montrant bien qu’il s’agit d’un bâtiment de prestige.

Des pilastres cannelés structurent les deux pignons à volutes, tandis qu’au deuxième niveau la balustrade court devant les fenêtres de la façade Sud et fait retour à l’Ouest. A noter que le balcon symétrique (à gauche de la tourelle) est un rajout de la fin du XIXe siècle, alors que les deux belles gargouilles à tête animale sont d’origine. Les murs extérieurs étaient autrefois décorés de peintures à fresque représentant des sujets de l’histoire romaine.

De plan rectangulaire, l’architecture intérieure du bâtiment est davantage fonctionnelle (Metzig signifie abattoir, marché de la viande). Le rez-de-chaussée voûté servait de lieu d’abattage et de boutique : les crochets de fer qui permettaient de suspendre les quartiers de viande, les treuils en bois destinés à hisser les animaux ainsi que la rigole pour l’écoulement du sang étaient encore visibles il y a une dizaine d’années. L’étage renferme une grande salle, jadis affectée à la corporation des bouchers qui y tenait banquets et réunions ; les six piliers originels y ont été replacés en 1982, lors de la dernière restauration.

La Metzig abritait également une des trois horloges publiques de Molsheim (avec l’hôtel de ville et la porte des Forgerons), et les archives municipales foisonnent de détails sur les frais d’entretien de son mécanisme qui causa souvent du tracas aux autorités d’autrefois. Installée dans la tourelle Renaissance, cette horloge à jaquemarts – dont l’auteur est resté inconnu – possède deux cadrans extérieurs n’ayant chacun qu’une seule aiguille.

Le cadran supérieur (1 m de diamètre) est en forme de bande annulaire à fond noir avec les douze chiffres romains dorés, l’aiguille décrivant un tour en douze heures. Le cadran inférieur (60 cm de diamètre) consiste également en une bande annulaire, ne possédant que les quatre divisions des quarts, et dont l’aiguille effectue un tour en une heure. Au-dessus de ces deux cadrans, les phases lunaires sont indiquées à l’aide d’un disque doré, évoluant sur un fond bleu étoilé et disparaissant derrière un écran en tôle de couleur grise. Le grand cadran est flanqué de deux anges en pierre ayant chacun un bras en bois mobile, et frappant, à l’aide de marteaux, les heures et les quarts sur deux clochettes de 35 et 40 cm de diamètre. Le tout est couronné d’une belle statue de la Vierge à l’Enfant.

Son affectation au commerce de la boucherie ayant été prépondérante jusqu’à la Révolution, le bâtiment servit ensuite de mairie, de tribunal cantonal – Kaiserliches Amtsgericht de 1871 à 1912 – et, enfin, de gendarmerie, avant la construction des bâtiments situés avenue de la Gare, à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Propriété de la Ville de Molsheim, la Metzig figure au classement des Monuments Historiques depuis le 12 août 1920.

 

Grégory OSWALD