La commanderie de Saint-Jean, près de Dorlisheim
Monuments, Zoom sur...
Élevé au fond d’un parc, à quelque 300 m du carrefour de la Colonne de Dorlisheim, le château Saint-Jean, érigé au XIXe siècle, occupe l’emplacement d’une ancienne commanderie de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem.
Créée en 1113 en Terre sainte, à l’issue de la première croisade, cette institution de moines-chevaliers se développa dans le Saint Empire romain germanique dès la fin du XIIe siècle. Quant à la commanderie de Dorlisheim, elle fut fondée au début du XIIIe siècle, mais a presque totalement disparu de nos jours.
Subsistent toutefois un bâtiment latéral de 1788, fortement restauré, et la base de l’ancienne tour d’entrée. Dans une niche de cette dernière, on distingue encore une grande statue de Saint-Jean-Baptiste dont l’original (vers 1340) est exposé au Musée de l’Œuvre Notre-Dame à Strasbourg.
L’église de la commanderie était un bel édifice roman, jadis pourvu d’un superbe portail à colonnettes et tympan sculptés. C’est ici que furent ensevelis quelques-uns des chevaliers morts en 1262 aux côtés de l’évêque Walther de Geroldseck, lors de la fameuse bataille d’Oberhausbergen qui les opposa aux troupes strasbourgeoises.
L’histoire de l’établissement n’est guère connue que par quelques faits militaires venus, au fil des siècles, ébranler la commanderie avant d’en venir à bout. En janvier 1445, une troupe de mercenaires désœuvrés saccage les lieux lors de la Guerre des Armagnacs. Au siècle suivant, les bâtiments sont occupés par les paysans révoltés (1525), puis incendiés lors de la Guerre des Évêques (1592).
La Révolution dépouilla définitivement l’institution qui fut vendue comme « Bien national ». L’église fut démolie en 1802 et ses pierres furent réemployées ailleurs. Ainsi, une longue frise romane à oves et à losanges servit à la même époque pour décorer la corniche de l’église de Behlenheim (com. de Truchtersheim), où de nombreux touristes viennent encore l’admirer.
Vers 1830, le domaine fut acheté par la famille des Wangen de Geroldseck qui, en 1849, firent restaurer l’ancien portail et y placèrent la belle statue de Saint-Jean-Baptiste, retrouvée dans les décombres. À l’emplacement de la commanderie, les nouveaux propriétaires érigèrent un chalet, un pavillon de chasse (1853) et surtout un charmant château (1857) néo-classique au fronton duquel est inscrit la devise latine Semper fidelis, c’est-à-dire : « Toujours fidèle »…
Par la suite, le domaine changea de main à plusieurs reprises. Après la guerre de 1914-1918, il fut acquit par un commerçant strasbourgeois puis, en 1921, par les époux Seltzer. Racheté au printemps 1928 par Ettore Bugatti dont l’usine était située à quelques encablures, le château Saint-Jean fit longtemps partie du patrimoine foncier de la société, avant d’être vendu en 1999 à la nouvelle entreprise Bugatti Automobiles S.A.S. du groupe Volkswagen.
Grégory OSWALD